La fédération des syndicats SUD-Rail porte, depuis plusieurs années, une analyse de classe concernant le mégaprojet du Lyon-Turin ; un chantier qui concerne plus le secteur du bâtiment que celui du ferroviaire. Le capitalisme a développé un système de production basé sur la recherche infinie de plus-value, qui n’a que peu faire de la pérennité et de la destruction des écosystèmes. Le Lyon-Turin est emblématique de cette économie de libre-échange qui met en concurrence non seulement les marchandises, mais surtout les travailleuses et travailleurs et leurs systèmes sociaux. Avant de revenir sur l’intégration des questions écologiques dans nos réflexions syndicales, il ne faut pas oublier les conflits entre le service public ferroviaire et les intérêts privés. Le Lyon-Turin est un projet contre les cheminotes et cheminots et le service public ferroviaire !
Cheminot, membre du syndicat SUD-Rail, Julien Troccaz est co-secrétaire de la fédération, qu’il représente dans les instances de l’Union syndicale Solidaires.
Très souvent, les promoteurs du Lyon-Turin font la comparaison avec le tunnel du Gothard en Suisse. Si nos voisins helvétiques ont réalisé un nouvel ouvrage ferroviaire, c’est parce que les infrastructures existantes avaient été saturées par une réelle volonté politique de report modal vers le rail. C’est malheureusement une stratégie contraire qui est appliqué en France. Cela fait des années que le syndicat SUD-Rail ne cesse de débattre, argumenter, revendiquer pour utiliser la ligne existante. En 2000, ce combat était mené unitairement par les organisations syndicales CGT – CFDT – FO – FGAAC – UNSA – SUD-Rail qui affirmaient « qu’avec de faibles investissements, il est possible de transférer tout de suite sur le rail, l’équivalent en tonnage de 1200 camions par jour transitant par la Maurienne ». En 2023, les infrastructures ferroviaires sont sous utilisées puisque seulement 26 trains voyageurs et fret circulent entre la France et l’Italie malgré des travaux de modernisation sur ce tronçon entre 2007 et 2012. Comment est-il possible que la capacité actuelle de la ligne soit inférieure à 1996 où il y avait 128 trains par jour ? Pour justifier le projet Lyon-Turin, est-ce que certains seraient prêts à retarder le report modal sur le rail ?
Les marchandises sur les rails plutôt que sur la route : maintenant, pas dans 30 ans !
Dans les années 80, le Lyon-Turin était justifié par des perspectives économiques concernant le trafic de marchandises transalpin, qui n’ont pas été confirmées et furent contestées par de très nombreux spécialistes. Face à la destruction du transport ferroviaire de marchandises, elles ne sont plus du tout d’actualité. De ce fait, le discours des pro-Lyon-Turin (dont les promoteurs soutenaient l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes) a glissé sur le terrain technique en prétextant que la capacité et les caractéristiques de la ligne seraient insuffisantes. Or, sur la base de documents officiels, avec un travail d’expertise rigoureux et la connaissance des cheminotes et cheminots du terrain, nous soutenons avec certitude qu’il est possible de sortir progressivement entre 800 000 et 1 million de camions de nos routes, en utilisant la ligne ferroviaire actuelle. En 2022, 1 million 400 poids-lourds ont franchi les tunnels routiers du Mont-Blanc et du Fréjus. La capacité résiduelle de la ligne actuelle est de 140 trains par jour. SNCF Réseau indique qu’on pourrait aller jusqu’à 280 trains par jour. Il faut également noter que cette ligne a connu des améliorations avec le passage au gabarit GB1 (80% du parc matériel roulant peut emprunter cette portion ferroviaire).
Bien entendu, il faudrait embaucher massivement des cheminotes et cheminots dans les Alpes, retrouver des organisations du travail au sein d’une entreprise SNCF publique, cesser la destruction des équipes de travail, réinstaller une coopération entre les opérateurs ferroviaires historiques françaises et italiennes et réaliser quelques travaux de modernisation de la ligne existante. Tout le contraire du lobbying Lyon-Turin et de ses alliés qui plaident la privatisation décomplexée des services publics ferroviaires. En 2013, la fédération SUD-Rail, dans le cadre de sa commission économique fédérale, écrivait : « Nous remettons en cause le culte énergivore et polluant de la vitesse et nous voulons diminuer globalement les transports de fret, en finir avec le “bougisme” touristique et, pour les transports indispensables et surtout durant la transition, réorienter ceux-ci vers les modes de transport les moins polluants s’ils peuvent rendre le même service ». Dix ans plus tard, le changement climatique, que nous ne pouvons plus nier, est une donnée incontournable qui renforce notre combat syndical, politique et social.
Nous assumons de pousser le débat sur les transports et l’acceptation d’une nouvelle façon de se déplacer, de produire et donc de vivre. Nous combattons le développement à outrance des transports de marchandises sur de très longues distances ; il est consubstantiel de délocalisations et de la recherche généralisée du moins-disant social et environnemental. Le rêve des promoteurs du Lyon-Turin serait de faire passer plus de 300 trains par jour sous le tunnel entre la France et l’Italie. Ils restent dans leur logique de croissance à l’infini … alors que les ressources naturelles ne le sont pas.
Un tunnel, ce n’est pas que deux trous à l’entrée et à la sortie.
C’est la dévastation de tout ce qui existe autour !
Sources taries, nappes phréatiques en baisse soudaine… les travaux préparatoires pour la seconde ligne ferroviaire Lyon-Turin entraînent déjà des perturbations du cycle de l’eau en Maurienne. Dans un rapport d’expertise commandé en 2006 par la Commission européenne (peu encline à soutenir les opposantes et opposants au grands projets inutiles !), on trouve un bilan hydrologique sur les impacts du forage des tunnels et des descenderies sur le cycle de l’eau : « Un projet d’ampleur de la liaison ferroviaire prévue peut affecter de manière significative différents éléments du cycle hydrologique dans les zones qu’elle traverse » et « ce sont entre 60 et 125 millions de m³ d’eau souterraine qui s’écoulent des montagnes qui devront être drainés par le projet chaque année ». Pour comparaison cela correspond à l’alimentation en eau d’une ville comme Lyon, soit un million de personnes.
Si chaque montagne est différente, quasiment toutes regorgent d’eau, notamment dans des failles que le tunnel peut traverser. Si celles-ci ne sont pas bouchées, elles peuvent agir comme le bouchon qu’on enlève au fond de la baignoire. Dans certains villages de la vallée, des points d’eau sont déjà taris depuis de nombreuses années à cause des travaux préparatoires. Ces dégâts sont irréversibles pour notre écosystème. Il faut stopper le creusement du tunnel transfrontalier, car après ils s’attaqueront à d’autres montagnes pour réaliser les accès français. Alors que l’eau se fait de plus en plus rare, elle est soit accaparée par l’agro-industrie (voir l’exemple des méga bassines) ou traitée comme un obstacle aux projets d’infrastructures. S’opposer au Lyon-Turin et proposer d’autres alternatives, c’est un combat pour protéger l’eau, sa mise en valeur et le développement de cette ressource utilisable, dans le respect des équilibres naturels. Le tracé des tunnels du Lyon-Turin entre en contradiction avec les lois sur l’eau et la directive cadre sur l’eau … Mais l’appel au respect de la loi sous peine de répression, c’est bon pour les jeunes de banlieue ou les syndicalistes qui luttent, pas pour les promoteurs capitalistes !
La suppression du triage de Saint-Jean-de-Maurienne
Le démantèlement a été justifié par le fait que celui-ci se trouve être sur la fin du tracé des futurs accès français au tunnel du Lyon-Turin. Or, à ce stade, aucun travaux n’est entamé, aucune date de commencement n’est annoncée. Le triage de Saint-Jean-de-Maurienne, c’était une quarantaine de voies ; il est « reporté » à Saint-Avre : treize voies, dont trois pour le fret. A Saint-Jean, le dimensionnement du triage, le poste d’aiguillage et les équipes de manœuvre permettaient de stationner, former, trier des trains de fret et de desservir des entreprises locales clientes. La place nette faite au Lyon/Turin détruit cela, qui ne sera pas possible à Saint-Avre, faute de voies, d’espace, d’infrastructures ferroviaires. Avec le tunnel du Lyon/Turin, la Maurienne n’est plus qu’un point de transit ; On détruit un outil d’intermodalité et de report du trafic routier vers le ferroviaire, de manière irréversible ; cette quarantaine de voie, ce poste d’aiguillage, ces infrastructures ferroviaires sont proches d’une zone industrielle et sont un atout pour le maillage territorial. Les conséquences sont également désastreuses pour l’emploi, dans un territoire déjà durement touché par le chômage : le triage de Saint-Jean, c’était encore quarante-cinq cheminot∙es du fret et une trentaine pour l’infrastructure (notamment le poste d’aiguillage). Les pouvoirs publics et la direction SNCF organisent la destruction de cet outil pour le fret ferroviaire dès 2023, alors que la mise en service des accès français au tunnel Lyon/Turin est prévue … après 2040.
Le lobby patronal de la route et du BTP : une vieille histoire !
Il y a dix ans, la fédération des syndicats SUD-Rail écrivait : « on ne dépense pas trop peu pour les infrastructures de transport. 535 milliards d’euros (valeur 2011) ont été dépensés de 1980 à 2011 en France, par l’Etat et les collectivités locales. Mais 72 % de ces dépenses ont été effectuées pour le réseau routier (et 16 % pour le rail, dont moins d’un tiers pour les LGV). L’actuelle hégémonie routière (près de 85 % des trafics de voyageurs et de fret) n’est donc pas due au hasard mais à une politique pro routière constante et tenace de tous les gouvernements successifs depuis 1945. Il ne s’agit donc pas de dépenser plus, mais de dépenser autrement. » La région Rhône Alpes n’a pas échappé aux investissements routiers. Les décennies 1970 à 2000 ont vu la construction d’un réseau autoroutier connecté à l’agglomération lyonnaise, avec un important maillage. 668 km d’autoroute ont été réalisées en 40 ans. Entre 1968 et 1975, ouverture de l’autoroute A48, d’une longueur de 51 km, reliant Grenoble et Lyon. Entre 1973 et 1990, ouverture de l’autoroute A40, d’une longueur de 208 km, mise en service définitivement en 1990, et se connectant au tunnel du Mont-Blanc mis en service en 1965. Entre 1972 et 2001, construction de l’autoroute A43, d’une longueur de 185 km en direction du tunnel routier du Fréjus, percé en juillet 1979, dont la partie Maurienne a été mise en service en 1997. Entre 1975 et 2008, ouverture de l’A41, d’une longueur de 112 km, connectant les autoroutes A40 et A43, Entre 1991 et 2007, les JO d’Albertville occasionnent la construction de 15 km d’autoroute en 1992 (A430). De 1991 à 1992, Grenoble et Valence sont reliées par 70 km d’autoroute (A49). Enfin l’autoroute A51 devant relier Grenoble à Marseille par les Hautes-Alpes voit la construction de seulement 27 km d’autoroute ; ce sont les premières actions qui conduiront à l’arrêt d’un programme de construction d’autoroute dans les Alpes. Depuis de nombreuses années, l’A40 et l’A43, deux axes pour franchir les Alpes du Nord via les tunnels du Mont-Blanc et du Fréjus, sont de véritables couloirs à camions.
En 1991, dans un contexte de relative stabilité du trafic marchandise par le rail (il transitait environ 7 millions de tonnes de marchandises par an), et où il n’était pas absurde de penser que le trafic marchandises par le rail pouvait augmenter (ce sera d’ailleurs effectif puisque les 11Millions de tonnes par an seront atteints en 1997), la CFDT-Transports posait la question du report modal pour le franchissement des Alpes du Nord : « Le temps n’est-il pas venu de proposer, en matière de transport, des solutions alternatives fondées sur les transports collectifs en général, et sur la technique ferroviaire en particulier, en utilisant un réseau dont les aptitudes à transporter massivement les personnes et les marchandises ne sont plus à démontrer ? Et ce dans les conditions les meilleures pour l’environnement et le coût social. Au-delà des solutions techniques, les élus ne pourront pas échapper au débat de fond concernant la limite au-delà de laquelle il conviendra de prendre des mesures conservatoires vis-à-vis du trafic fret routier international, source majeure de pollution, d’encombrement et d’atteinte à l’environnement et au cadre de vie. »
Point de « développement durable » à toutes les pages, de « bilan carbone » sur tous les tons ou de « Grenelle de l’environnement », mais la problématique essentielle du transit des marchandises à travers la Région Rhône-Alpes était déjà clairement ciblée et des propositions concrètes étaient faites pour la préservation du cadre de vie, le développement économique et l’emploi. Point de départ de la réflexion syndicale de l’époque, le report modal est toujours d’actualité pour franchir les Alpes françaises comme il l’est sur l’ensemble du pays. Aujourd’hui plus encore, le nombre de camions atteint un niveau insupportable pour les populations des vallées de Maurienne et de l’Arve, directement impactées du fait de la pollution de l’air ainsi engendrée. S’agissant du franchissement des Alpes dans les deux Savoie, où seuls deux modes de transport sont présents [1], le mode ferroviaire est à l’évidence le plus pertinent au regard de la pollution de l’air. Le report modal de la route sur le rail est donc une nécessité. Bien évidemment, pour SUD-Rail et plus globalement pour Solidaires, le report modal de la route vers le rail, grâce à une meilleure utilisation de la ligne ferroviaire existante, ne doit pas servir uniquement à passer l’obstacle de la montagne : cela se pose aussi avant et après et doit s’intégrer dans une politique des transports basée sur les besoins collectifs, non sur ceux d’une minorité toujours en recherche de profits.
Une partie des milliards engloutis dans le tunnel serait plus utile, par exemple pour des travaux de doublement des actuelles voies uniques Aix-les-Bains et Annecy/Saint André le Gaz à Chambéry, pour la pérennisation de la ligne des Alpes, pour embrancher (réembrancher parfois !) les sites industriels, notamment logistiques.
Démocratie, fédéralisme, interprofessionnel
La position développée par SUD-Rail repose sur un processus démocratique et fédéral. Directement concerné, le syndicat régional SUD-Rail Alpes s’est saisi du sujet dès sa création. Mais c’est dans les années 2010 qu’est apparue la nécessité d’affirmer une position fédérale sur le sujet. Le syndicat SUD-Rail Alpes commence alors par solidifier ses analyses et prises de position, en les mettant en débat parmi ses adhérentes et adhérents. Sur la base d’un document de travail synthétisant les informations, une consultation des syndiqué∙es est organisée en 2013. Elle confirme l’opposition du syndicat au nouveau tunnel du Lyon/Turin. Dans les années qui suivent, plusieurs documents sont élaborés par le syndicat, qui participe à diverses rencontres sur le sujet ; une formation syndicale est organisée en 2015, pour élargir l’appropriation du dossier par les militantes et militants. En février 2016, dans le cadre de la grève tous services sur la région de Chambéry lancée par SUD-Rail, les préavis posent en termes de revendication le report modal sur la ligne existante au départ d’Ambérieu. Quelques mois plus tard, le débat est fédéralisé ; les travaux du syndicat Alpes, mais aussi d’autres collectifs SUD-Rail sont discutés ; le Conseil fédéral de novembre 2016 adopte la position proposée par le syndicat SUD-Rail Alpes. Parce que les positions n’ont d’intérêt que liées à l’action collective, à partir de là, la fédération des syndicats SUD-Rail participe à diverses initiatives unitaires qui rassemblent celles et ceux qui défendent le service public ferroviaire, le report modal du transport de marchandises de la route vers le rail, l’amélioration des infrastructures ferroviaires existantes et qui s’opposent aux dépenses de milliards d’euros pour un projet de tunnel et de nouvelle ligne ferroviaire inutile, gravement nuisible à l’environnement, socialement négatif et ne résolvant rien des problèmes bien concrets et actuels des populations locales. Dès 2017, SUD-Rail prend l’initiative d’un rassemblement national réunissant les forces syndicales, politiques et sociales « pour un report modal massif avec une politique de développement du fret ferroviaire et des transports écologiques, pour une relocalisation des emplois au plus près des besoins des populations, pour des solutions concrètes et immédiates qui permettent de combattre le réchauffement climatique et la pollution. » D’autres rassemblements, débats, manifestations suivront au fil des années ; jusqu’au Soulèvement de la montagne, les 17 et 18 juin 2023 : 5000 personnes sont venues en Maurienne dirent non à la nouvelle ligne et à ses travaux inutiles.
Tout ceci, en lien avec les débats et positions de l’Union syndicale Solidaires, alimentés par la commission écologie et la fédération directement concernée, SUD-Rail. Nous refusons le tunnel et la ligne nouvelle parce que nous sommes favorables à l’utilisation de la ligne existante, la remise en cause du culte énergivore et polluant de la vitesse, la relocalisation des emplois au plus près des besoins des populations, la complémentarité des modes de transport, la fin des « partenariats public/privé » qui ne sont qu’une énième forme du principe capitaliste « socialisation des dépenses, privatisation des bénéfices ». Loin d’être qu’un symbole, le ton est donné à Chambéry où SPIE Batignolles, Lyon Turin Ferroviaire (LTF) et SNCF cohabitent dans le même bâtiment. La solution de financement via un « partenariats public/privé » était envisagée dès 1993, dans le rapport Besson à l’origine du projet Lyon/Turin. En 2014, LTF a confirmé le choix du PPP. Tout le génie civil (90% du coût total) sera pris en charge par l’argent public. Le secteur privé est surtout intéressé par les travaux de construction, générateurs de bénéfices plus faciles tout en ne prenant aucun risque dans la phase de construction où il touche les subventions publiques pour la partie la plus sujette aux dérapages financiers. Quant à l’exploitation, le PPP lui permet de se placer pour encaisser les bénéfices en cas de succès commercial ou de se retirer comme il l’a fait par exemple pour la ligne Perpignan-Figueras [2].
Le Lyon-Turin existe déjà : utilisons-le !
Dynamisée par le rassemblement de juin, ancrée dans sa construction locale, la coordination des organisations [3] opposées à la nouvelle ligne et favorables à l’amélioration de celle existante a publié le premier numéro d’un bulletin pertinemment intitulée Le ferroviaire a sa voie : « Lorsque l’on parle d’un mégaprojet à plus de 30 milliards d’euros et que le réchauffement climatique nous oblige à repenser nos façons de produire, de se déplacer, il est légitime que des oppositions s’affirment face aux promoteurs du Lyon-Turin. La caricature est souvent utilisée pour essayer de discréditer celles et ceux qui s’opposent à creuser plus de dix tunnels pour ce projet, or nous le réaffirmons, l’ensemble des collectifs, signataires de cette lettre ouverte, sont favorables au ferroviaire. Nous souhaitons que le train devienne incontournable dans notre société, et non une simple alternative. Dans les Vallées Alpines, sortons des déclarations d’intention et lançons un report modal de la route vers le rail, rapidement, en optimisant la ligne existante.
[…] L’urgence est aussi d’arrêter le gouvernement qui veut liquider l’entreprise publique Fret SNCF, outil indispensable pour réaliser le report modal vers le rail dans le cadre de la transition écologique. […] Après le site ferroviaire de Modane, qui a été saccagé depuis plus de 20 ans, c’est au tour de celui de Saint-Jean-de-Maurienne d’être pratiquement rasé. Comment est-il possible, en pleine crise écologique, de supprimer cet outil de production, qui aurait permis de favoriser le report modal du local à l’international ?
L’objectif de ce deuxième Lyon-Turin n’est pas de rendre la vie quotidienne des gens meilleure dans le respect de notre planète. Il s’inscrit dans le processus de privatisation du ferroviaire en France et sur la politique des « grands travaux » qui consiste à mettre sous perfusion d’argent public les grandes entreprises du BTP.
Pour évaluer l’intérêt d’une infrastructure nouvelle, revenons au raisonnement de base : est-elle d’intérêt public ? Son coût est-il inférieur à la somme des avantages escomptés et des inconvénients estimés ? Surtout, y a-t-il d’autres solutions ? Les réponses à ces premières questions essentielles nous permettent d’affirmer l’inutilité d’une deuxième ligne Lyon-Turin et surtout l’urgence, renforcée par la fermeture trois mois par an du tunnel du Mont-Blanc, d’utiliser massivement dès maintenant la ligne existante. »
Julien Troccaz
[1] Ce n’est pas le cas pour le tunnel de Vintimille, où le transport maritime constitue une alternative pour le transit Espagne/France/Italie.
[2] En 2003, après avoir obtenu la concession pour la construction et l’exploitation, durant cinquante ans, de la ligne à grande vitesse entre Figueras et Perpignan, le consortium a souscrit une dette de plus de 530 millions d’euros afin de mener à bien la construction du tronçon. Mais il a également perçu 640 millions d’euros de subventions publiques versées par les états français et espagnol ainsi que par l’Europe. Ce qui a permis de couvrir le total des coûts du chantier s’élevant à 1,1 milliards d’euros. En juillet 2015, TP Ferro s’est déclarée en faillite et aucune solution de poursuite n’a été trouvée pendant le redressement judiciaire. Les États français et espagnol ont alors exigé la reprise des activités de TP Ferro par SNCF Réseau et ADIF. Les prévisions du Perpignan-Figueras avaient été surévaluées de 85% pour les passagers et 92% pour le fret, selon le rapport financier de SNCF Réseau au 30 juin 2016.
[3] Les organisations membres de la coordination : Collectifs contre le Lyon Turin, Vivre et agir en Maurienne, Confédération paysanne, SUD-Rail, Soulèvements de la terre, ATTAC, La France insoumise, Les Amis de la terre.
source : https://www.lesutopiques.org/un-syndicat-ferroviaire-contre-le-lyon-turin/